Le périmètre de protection d’un monument historique

Monument historique

 

Si vous êtes déjà passé chez le notaire pour un achat immobilier, vous avez peut-être pu constater que votre bien est situé dans le périmètre de protection d’un monument historique.
 
 

Qu’est-ce que le périmètre de protection d’un monument historique ?

C’est une servitude d’utilité publique qui s’applique autour de chaque édifice inscrit ou classé au titre des monuments historiques. Par défaut, le périmètre de protection est un rayon de 500m autour du bâtiment classé ou inscrit :

perimetre monument historique

périmètre protection monument historique

Il peut toutefois être modifié, sur proposition de l’Architecte des Bâtiments de France et validation de la commune :

périmètre monument historique

Quelles sont donc les conséquences de posséder un bien situé dans ce périmètre ?

D’après l’article L.621-31 du code de l’Urbanisme :

«Lorsqu’un immeuble est situé dans le champ de visibilité d’un édifice classé au titre des monuments historiques ou inscrit, il ne peut faire l’objet, tant de la part des propriétaires privés que des collectivités et établissements publics, d’aucune construction nouvelle, d’aucune démolition, d’aucun déboisement, d’aucune transformation ou modification de nature à en affecter l’aspect, sans une autorisation préalable.»

En clair : chaque fois que vous voulez faire des travaux (construction, démolition, modification d’aspect, installation d’enseigne, aménagement extérieur…) au seing de ce périmètre, vous devrez obtenir l’autorisation de l’Architecte des Bâtiments de France.

Voici quelques exemples de travaux modifiant l’aspect d’un bien :

  • le remplacement des portes ou fenêtres
  • installation d’un portail
  • la rénovation de la toiture
  • un ravalement de façade
  • la création d’une fenêtre de toit

L’ABF est un agent du Service Départemental d’Architecture et du Patrimoine (SDAP) de la Direction Départementale des Affaires Culturelles (DRAC).  Son rôle est de veiller à ce que l’architecture du voisinage du monument historique soit en « harmonie » avec celui-ci. Son avis portera sur :

  • les matériaux utilisés (bois ou PVC pour les fenêtres, type de tuile pour les toitures, type d’enduit pour les façades)
  • la couleur de ces éléments (pour les portes, les façades …)
  • les détails de finition (exemple : pose de baguettes d’angle sur les arêtes des façades)

 

Comment faire une demande ?

La demande à l’Architecte des Bâtiments de France est faite automatiquement. La commune leur transmet un exemplaire de la déclaration préalable de travaux ou du permis de construire, ce qui induit des délais supplémentaires dans le traitement des demandes.

L’Architecte des Bâtiments de France va analyser et rendre :

  • un avis conforme : obligation de se plier aux recommandations de l’ABF
  • un avis simple : pas d’obligation de se plier aux recommandations, mais l’autorité rendant la décision (la commune le plus souvent) sera responsable en cas de litige
  • un refus : il faudra dans ce cas réitérer une demande en répondant aux critères de l’ABF

 

Il ne faut toutefois pas craindre d’acquérir un bien parce qu’il se situe dans un périmètre de protection. En cas de travaux entraînant une modification de l’aspect extérieur de votre bien, le mieux sera de contacter préalablement les ABF de votre département. Il suffira de respecter leurs avis ou recommandations… qui peuvent parfois surprendre. Par exemple, dans un village où nous possédons un petit immeuble, 2 de nos voisins ont fait changer leurs portes et leurs fenêtres. Le premier a été obligé de mettre du PVC, le deuxième du bois… Fonction de l’humeur ou de la personne qui traite la demande…

 

Expérience personnelle :

Un des biens que nous possédons (celui dont je parle ci-dessus) se trouve donc dans le périmètre de protection d’un monument inscrit (l’ossuaire du cimetière qui date de quelques centaines d’années). J’ai fait refaire la façade en 2008. J’avais déposé une demande préalable avec les échantillons des 2 couleurs que j’avais choisi. Quelque temps plus tard (et une fois la demande acceptée – petit détail, on m’avait interdit de mettre des baguettes d’angle pour la finition ?!?), j’ai changé d’avis sur les couleurs. J’étais alors passé à la mairie pour leur indiquer. Là, on m’avait répondu qu’il n’y avait aucun problème.

Résultat une fois la façade refaite (avec isolation par l’extérieur en même temps) : rien de bien méchant.

facade

 

 

Oui mais voilà… Quelques jours après les travaux achevés, je reçois une vraie lettre d’insulte provenant, je vous laisse deviner, des ABF. C’est dommage, je n’ai pas remis la mains dessus pour vous la montrer. C’était un « dernier rappel » (alors que c’était le premier courrier que je recevais) me « mettant en demeure » de repeindre sans délais dans les coloris initialement autorisés, et précisant que les couleurs de ma façade « portaient atteinte » à l’ossuaire.

Un peu catastrophé, j’appelle les ABF et tombe sur l’architecte ayant autorisé le dossier. Il m’explique gentiment que je n’ai pas d’alternative, que je dois absolument faire repeindre la façade. Ce qu’ils avaient oublié à la mairie, quand j’étais allé poser la question pour le changement de couleurs, c’était de me demander l’adresse par rapport au périmètre de protection. J’ai beau eu lui expliquer, impossible de discuter avec lui, un vrai mur (c’est le cas de le dire !).  Evidemment, je n’avais aucune envie (et pas plus les moyens) de faire repeindre.

Heureusement pour moi, ça c’est plutôt pas mal terminé. Je suis allé chez le président de la communauté de communes (qui se trouvait être notre député à l’époque) avec des photos pour lui expliquer la situation. Il a lui-même pris le rendez-vous avec le maire de la commune concernée et l’architecte. Un fois sur place, le maire – qui avait déjà fait quelques mauvaises expériences avec lui – l’a « pourri » et lui a demandé des explications. Mon immeuble est presque la seule façade refaite à neuf dans la rue, et le maire lui a demandé si ce n’était plutôt pas les autres maisons qui portaient atteinte à l’ossuaire plutôt que la mienne.

Résultat des courses, l’architecte, un peu penaud, a avoué qu’il était passé alors que la peinture était encore fraîche (échafaudage encore sur place) et plus criarde, et que le jaune lui convenait, mais que l’orange devait être refait en jaune.

Je n’ai bien sûr rien fait, et n’ai plus aucune nouvelle depuis.

Juste pour rire : voici le « monument historique » à qui je porte atteinte :

monument historique

 

 

 

 

 

 

 

et la vue de ma maison (la façade jaune pâle) depuis celui-ci :

vue depuis l'ossuaire

 

 

 

 

 

 

 

Alors, lequel porte le plus atteinte à l’autre ??

 

Conclusion, je ferai quand même beaucoup plus attention la prochaine fois, ça m’évitera quelques sueurs froides !

 

Posted in Divers, Fiscalité / Droit, Immobilier
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16 commentaires sur “Le périmètre de protection d’un monument historique
  1. Vanille dit :

    Bonjour,

    Discussion très intéressante. On a également un souci avec les abf.

    Nous avons déposé un permis de construire en décembre 2015 pour la rénovation d’un hangar en logement principal en ville. Notre architecte nous a aidé à monter le dossier.

    Au bout de 29 jours, il nous a été notifié un nouveau délai modificatif de 4 mois relatif à l’article R.423-28a : « la demande de permis de construire ou d’aménager porte sur un projet situé dans le périmètre de protection des immeubles classés ou inscrits au titre des monuments historiques, dans un secteur sauvegardé dont le plan de sauvegarde et de mise en valeur n’est pas approuvé ».(article R.423-28a) ». En effet, on s’y attendait car il y a une cathédrale ancienne pas loin même si on ne la voit pas de chez nous et inversement. A noter qu’elle est en ruine, elle a brulé il y a 1 an et demi suite à un artisan qui a oublié de débrancher son matériel.

    On devait recevoir un avis avant le 24 avril 2016 (date limite) par courrier recommandé soit il y a 2 jours.
    Il est bien noté en GRAS et SURLIGNE que nous ne pouvons pas bénéficier d’un permis de construire tacite. Cela nous aurait bien arranger mais non. Selon le courrier nous faisons partis des cas particuliers des articles L424-2 et R424-2 du code de l’urbanisme.
    Il s’agit d’un point technique ou juridique qui nous échappe un peu….

    La mairie devait consulter l’architecte des bâtiments de France mais aucun avis reçu en 4 mois d’instruction des ABF !

    Donc nous n’avons pas de réponse ni ne pouvons bénéficier d’un accord tacite.
    Nous avons appelé et contacté la mairie sans succès, très difficile voir impossible à joindre. L’architecte de notre projet suit le dossier et se déplace à la mairie depuis des mois car nous sommes à l’étranger. On lui répond que notre dossier est béton, pas d’inquiétude, faut attendre l’abf ect ect.
    Ils sont bien gentils mais là ils sont hors délai.

    On est un peu embêtés par la situation car on avait fait des devis avec une dizaine d’artisans et la banque nous a accordé notre prêt il y a 6 mois. Nous avons déjà commencé à rembourser les mensualités. On est aussi déçus car notre architecte en contact avec la mairie depuis le début était très positive d’autant plus que la direction de l’urbanisme lui aurait dit que selon eux ça serait positif et qu’ils nous répondraient même avant le délai. Bref, n’importe quoi.

    Que se passe t-il dans ce cas là ? Quel recours avons-nous ?
    J’ai entendu parler de « rejet implicite » si pas de réponse pour les « exceptions ». Ça m’effraie. Est-ce normal de ne même pas avoir un avis de l’abf ?

    Merci de votre avis/aide.

    Cordialement,

    • Francois dit :

      Lors de mes déboires, j’avais entrepris 2 démarches :
      – appel téléphonique aux ABF pour demander des précisions / ce qui n’allait pas
      – j’étais allé voir le député de ma circonscription qui avait alors tenté de faire bouger les choses (oui, oui, les politiciens peuvent aussi s’avérer efficaces et compréhensifs !) en convoquant à une réunion le maire et l’architecte des ABF chargé de mon dossier.

      Vous pouvez tenter également, ça ne coûte rien… à part du temps

  2. Si vous souhaitez faire des simulations de ravalement avant de vous lancer dans les travaux que ce soit pour valider vos attentes ou faire valider vos choix par autrui, n’hésitez pas à nous en faire la demande sur http://jemeprojette.com/

    A bientôt.

  3. Daniel dit :

    Dans l’article L.621-31 du code de l’Urbanisme, il est notamment indiqué « aucun déboisement ».
    En ce qui me concerne, j’ai coupé des arbres sur ma propriété car le voisin m’avait précisé qu’ils n’étaient pas à la limite des 2 mètres. Dans ces arbres se trouvait notamment un cèdre.
    Voilà que le voisin m’envoie les Bâtiments de France, car je n’avais pas le droit de le couper et ils me demandent donc d’en replanter un autre (dans quel monde vit-on).
    En réalité, cet arbre était notamment un pare-vue pour leur maison et, de loin, donnait de la valeur à leur habitation, même s’il était sur ma propriété.
    Nous sommes dans un site classé à cause d’un cadran solaire, que l’on ne voit pas de leur habitation.
    L’intervention des ABF doit avoir lieu lundi prochain et j’ai eu le rendez-vous par le Maire de ma commune, car les voisins n’ont pas voulu me préciser les date et heure, soit-disant « que ça ne me regardait pas », pourtant l’intervention va avoir lieu sur ma propriété.

    Les ABF ont-ils vraiment à intervenir et qu’elles risquent d’être les conséquences pour moi?

    Merci de m’apporter une réponse ou un avis rapidement.

    • Francois dit :

      Effectivement, nous sommes dans un drôle de monde.
      A partir du moment où vous êtes situé dans le périmètre de protection d’un monument historique, les ABF peuvent intervenir légitimement.
      Au niveau des risques… à part une obligation de replanter je ne vois pas trop. Vous pouvez toujours faire trainer (je n’ai toujours pas fait repeindre ma façade depuis le temps!) et attendre une prescription.
      Au niveau des risques, je vous invite à lire cet article qui permet d’en apprendre un peu plus…

  4. cattiau dit :

    Bonjour,
    J’ ai besoin de renseignements : j’habite une maison située dans un périmètre de protection d’un monument historique (une église). Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir hier qu un promoteur immobilier a obtenu un permis de construire un immeuble de 15m de haut +2 maisons, juste au bout de monnjardin, soit entre ma maison et le fameux monument historique !!!
    Quel recours ai-je ? Car bien évidemment, cette notion de protection d’un monument historique figure sur l’acte d’achat, et c est l’argument, la motivation pricipale de mon acquisition il y a 7 ans.
    Merci de votre réponse,
    Cordialement
    Mme Corinne Cattiau

    • Francois dit :

      Bonjour,
      Cet article devrait répondre à vos interrogations : http://www.dossierfamilial.com/contester-un-permis-de-construire-14311.html
      En gros, il faut consulter le permis de construire, vérifier s’il est conforme au PLU, et aller au tribunal…
      Il faudrait peut-être dans votre cas contacter les ABF (Architecte des Bâtiments de France) qui doivent donner leur accord dès lors qu’il y a un monument historique.
      Bon courage dans votre démarche !

  5. del dit :

    L’avis de l’ABF devrait en principe être beaucoup plus approprié que des directives écrites immuables et figées. Malheureusement, incompétence, besoin de se faire mousser, caractères versatiles, humeurs du moment ne facilitent pas la chose. Une cocktail des deux solutions permettrait sans doute d’éclairer le candidat rénovateur et d’encadrer un peu les bizarreries de certains ABF . Faut voir….

  6. Bonsoir, l’article du code de l’urbanisme parle de champ de visibilité. Pour ne pas s’embeter, la mairie vous dira que le bâtiment est situé en zone classée, point final. Pourtant , mon notaire m’a confirmé que si la partie concernée par les travaux n’est pas directement visible du monument classé, il echappe aux restrictions d’une zone classée. En gros,sur ma maison située à 100m de l’eglise classée : sur la face avant il me faut ces autorisations contraignantes,(febnetres en bois, petits carreaux… mais pas sur la face arrière où je peux poser du pvc.

  7. Merci pour le partage de cette article ,le projet d’une vie peut vite devenir un calvaire quand il s’agit de faire des travaux dans une zone classée .La photo avec le petit cabanon résume bien la situation des travaux qui se trouvent bloquer pendant des mois .J’ai voulu refaire la façade d’une maison en zone classée résultat 2 ans pour avoir une réponse !

  8. Il est également possible de profiter de fortes économies d’impôts dans le cadre de la défiscalisation Monuments Historiques: un dispositif fiscal mis en place afin de préserver le patrimoine historique français.

  9. KNOCK dit :

    L’article du code de l’urbanisme parle de champ de visibilité. Doit on comprendre que l’accord n’est pas requis si les travaux concernent un batiment qui bien que proche, n’est pas visible depuis le monument historique ?

    • Francois dit :

      Bonjour,
      C’est comme ça que je comprends l’article. Mais je ne suis pas certain que l’administration applique ce texte à la lettre. Ce qui ne veut pas dire qu’elle a raison !

  10. riviere dit :

    besoin de promotion , corruption larvées ,et, certainement des incompétents mis en place pour mieux « casser » le système administratif

  11. Intéressant comme papier. Qui montre combien certains peuvent être bêtes. Ils ont un peu de pouvoir, ils l’utilisent… mal.

    • Cocheese burger dit :

      C’est tout à fait ça, lorsqu’on donne du pouvoir à des gens qui ne le méritent pas ou n’en sont pas dignes, on aboutit à des abus de ce type. Ce dispositif est tout à fait compréhensible car il faut protéger l’environnement d’un monument historique mais il y a une tendance à classer un peu vite tout et n’importe quoi. Les architectes de bâtiment de France devraient avoir un rôle seulement consultatif pour la majeure partie des sites classés, la décision finale revenant au maire qui ne veut que rarement la dépréciation de sa commune. On pourrait aussi envisager un cahier des charges à respecter ce qui éviterait d’avoir à passer par les humeurs de l’un ou de l’autre. Ce qui également parait aberrant c’est qu’il n’y a pas de recours possible à une décision auprès d’un tribunal par exemple. C’est rare.

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